A l’instar de certains processus d’optimisation fiscale qui, bien que légaux, laissent dubitatifs en référence aux principes de solidarité constitutifs de notre démocratie, le projet de la Tour Occitanie est aussi légal au vu des derniers jugements sur les recours administratifs émis à son encontre, mais est-il pour autant moral ou éthique au regard des valeurs essentielles de notre mouvement: la démocratie par les
habitantes et les habitants, la justice sociale et la solidarité, la transition écologique et le vivre en commun?
C’est en ce sens que nous nous interrogerons sur la “moralité” du projet de la tour.
1/ Il est légal de décider de cette Tour en « prince de Toulouse » mais est-il moral de bafouer concertation et démocratie locale ?
Une concertation sur le projet TESO a été mise en place de 2013 à 2016 entre la Métropole et les associations de quartier. Elle a abouti, en 2016, à un relatif consensus à travers un document nommé Plan Guide Urbain. Entre 2016 et 2018, la concertation n’a pas été poursuivie sur le futur projet de ZAC.
Début 2018, la documentation pour la consultation publique sur les projets de ZAC et de PEM a été remise : le Projet Urbain n’avait plus rien à voir avec le Plan Guide Urbain 2016. Une nouvelle concertation réclamée par les 11 associations du quartier se solde par un échec. Pourquoi ne pas s’en être tenu aux résultats obtenus en 2016, avec les habitants ?
Concernant la Tour Occitanie, ce projet ne faisait pas partie du programme électoral du maire de Toulouse et président de la Métropole. Elle n’a jamais figuré dans le plan guide établi avec les habitants: elle est sortie comme un lapin du chapeau au mépris de toute démarche démocratique.
L’historique montre que ce projet a été décidé avant toute démarche d’information et sans aucune concertation avec la population :
- A la fin des ateliers de 2015, la hauteur du bâtiment sur le site du Tri postal ne devait pas dépasser la hauteur de la médiathèque (environ 35 m).
- En juin 2016, dans les conclusions de l’enquête publique sur la première modification du PLU, les commissaires enquêteurs écrivent : « une hauteur maximale de 150 m nous semble raisonnable en l’espèce ». Est-ce le rôle des commissaires enquêteurs de donner cet avis avant même la naissance du projet ?
- En octobre 2016, la SNCF lance le projet d’aménagement du tri postal en précisant aux participants: « Vous pouvez construire jusqu’à 150 mètres, ce sera validé en novembre par le Conseil de Métropole »! En effet, le Conseil de Métropole a validé cette consigne a posteriori.
- En mars 2017, les candidats ont été sélectionnés et le maire de Toulouse fait l’annonce du projet de Tour Occitanie depuis le MIPIM (le grand salon international des professionnels de l’immobilier) de Cannes. Mais ni les riverains, ni la population de Toulouse, ni même les conseils municipaux et métropolitains n’ont été informés ni consultés
- Début 2018, des modifications du PLU favorables au promoteur sont prises par une procédure de modification d’urgence qui évite notamment l’enquête publique (abandon du concept de mixité pour le bâtiment, réduction de l’emprise des parcs de stationnement des deux roues). Cette procédure d’urgence fait l’objet, en vain, d’un recours auprès du tribunal administratif.
Aucun projet alternatif à la tour n’est soumis au débat. La tour n’a pas été plébiscitée par les habitant.e.s comme cela a été évoqué lors d’une réunion publique (Pour rappel : la pétition « Non au gratte-ciel de Toulouse » a reçu près de 5000 signatures alors que la pétition « oui à la tour Occitanie » n’en a reçu que 430 signatures).
S’agissant de la “concertation” sur le projet TESO, il ne s’agit donc en réalité que d’une démarche d’information. Le projet semble complètement défini en amont, la description qui en est faite ne permet pas à chacun.e d’en appréhender la complexité dans sa globalité : les documents ne sont pas interprétables par la population sans expertise, et les phases de concertations morcelées. Pourtant les habitant.e.s sont en demande. Malgré cela ils contribuent mais n’obtiennent aucune garantie sur la prise en compte ou non de leurs demandes et sur les étapes ultérieures.
Aussi, la participation citoyenne n’a pas eu de sens pour construire la ville de demain sur le périmètre TESO. Il n’y pas eu de co-construction mais un projet ficelé à l’avance et imposé par l’équipe municipale sur lequel les Toulousain.e.s ne pouvaient pas influer malgré l’habillage participatif.
2/ Il est légal de soutenir un projet de Tour Occitanie ringard et faisant fi des enjeux environnementaux.
Mais est-il moral d’ignorer que la raison d’être de la Tour Occitanie continue d’interroger les habitant.e.s, pourtant parties prenantes de ce projet puisque vivant dans cette ville?
Pour n’en citer que quelques-unes :
- Quelles études économiques ont été menées permettant d’affirmer l’utilité de la Tour Occitanie ?
- Dans quelle mesure répond-t-elle aux besoins des toulousain.e.s ?
- A quels enjeux de la Métropole fournit-elle une réponse ?
- Comment apporte-t-elle une réponse aux attentes des habitant.e.s des quartiers?
- En quoi une telle hauteur de bâtiment est-elle justifiée ?
Est il moral de soutenir un projet en total décalage avec l’urgence de lutter contre le réchauffement climatique, la pollution et le besoin d’enclencher une transition énergétique ?
- Bilan carbone de la construction : la construction d’un gratte-ciel (IGH) génère en proportion un bilan carbone considérablement plus élevé que celui d’un immeuble ne dépassant pas 50 mètres.
- Normes écologiques : En 2022, de nouvelles normes environnementales « bâtiments à énergie positive » sont entrées en vigueur (RT 2020). Elles obligent à une performance énergétique accrue. La précipitation pour obtenir le permis de construire tour Occitanie en 2019 répondant à des normes anciennes (RT 2012) est certes légale mais dénote une irresponsabilité voire un refus d’honorer les engagements gouvernementaux de la COP 21.
- Entretien : L’entretien d’un gratte-ciel est très consommateur d’énergie (+25% que la normale). Et en cela, il ne serait plus possible de le construire tel que présenté dans le permis de construire de 2019.
- Maintenance des espaces verts : pour soigner sa prétendue image “écologique”, le projet prévoit des arbustes en pot sur toute la hauteur de la tour qui consommeront beaucoup d’eau (2300 m3 par an quand la ville réfléchit aujourd’hui à rationner l’utilisation de son eau l’été) et nécessiteront un entretien par des spécialistes. Ils ne sont assurés que pour 10 ans.La viabilité dans un tel environnement vitré, avec les chaleurs à venir et si peu de terre d’appui est questionnée et ce n’est pas un hasard si le promoteur ne les garantit que pour 10 ans. Que deviendra le bâtiment sans sa soi-disante hélice verte?
- Image dévalorisante pour Toulouse et ses habitant.e.s : Après que New York ait décidé de pénalités financières pour ce type de construction au regard de leur impact environnemental, Toulouse se perd en affichant un concept grandiloquent tourné vers les principes constructifs du passé, en totale opposition avec les tendances sociétales et environnementales actuelles.
3/ Il est légal de soutenir un projet de Tour Occitanie qui a bénéficié de modification des règles d’urbanisme ad hoc mais est-il moral d’ignorer la sécession sociale qu’elle crée dans son environnement proche ?
En effet, le Conseil Municipal s’est arrangé pour faire sauter l’obligation d’intégrer des logements sociaux dans le bâtiment, obligation qui est pourtant au cœur même du PLUiH en cours de rédaction pour la ville de demain et poussé par la Métropole, au motif que l’équivalent en surface allait être créé « plus loin » dans le quartier TESO. On sait pourtant que, plus la diversité sociale est recherchée à une petite échelle , plus elle est fonctionnelle. Et pourquoi ce renoncement ? Pour faire de la Tour Occitanie un îlot de luxe : hôtel Hilton, restaurant-bar panoramique, 120 logements « haut de gamme » évalués entre 7000 et 10 000 euros le m2 (en 2017 !). Et ce au détriment de la population locale. En effet, cette tour largement vitrée et construite avec des normes écologiques anciennes (voir plus haut), constituera l’été une usine à climatisation, rejetant sa chaleur sur le quartier. Nombre d’habitantes et habitants se sont par ailleurs inquiétés des effets de réverbération de cette tour.
4/ Il est légal de soutenir un projet de Tour Occitanie qui a bénéficié d’aides financières indirectes mais est-il moral de clamer que le projet ne coûte rien à la collectivité ?
C’est faux car, d’ores et déjà, le projet nécessite un renforcement de la structure de soutènement de la 3ième ligne du métro qui passerait sous la tour. Et cela aux frais du contribuable.
Par ailleurs,les travaux conséquents du pont Matabiau réalisés en 2020 sont un faire valoir commercial conséquent pour les investisseurs potentiels de la tour.
En conclusion, Archipel Citoyen remet en cause la pertinence de la Tour Occitanie au vu des impacts engendrés et dénonce l’immoralité sociale écologique et urbanistique du projet et le déni de démocratie locale dont il a fait l’objet.
Aussi légale qu’elle soit, cette tour conçue au siècle dernier est un projet dépassé au 21ème siècle où s’imposent la résilience et de l’adaptation de notre ville aux aléas climatiques.
Une réponse à “Le projet de la Tour Occitanie est légal, mais est-il moral ?”
Est il légal de placer le niveau 0 au niveau de la chaussee du pont du ch de fer et non au niveau de la parcelle qui est au niveau des voies?
Donc est elle plus haute que permis?