Cet article fait partie d’une série sur la participation à Toulouse, comment elle est faite, comment elle pourrait l’être. Il a été écrit par Olivier et Sébastien, tous deux membres d’Archipel Citoyen. Sébastien parle ici à partir d’informations de première main, ayant été tirés au sort et ayant participé à toutes les instances des Ateliers Citoyens de la mairie.
Les élus de la majorité actuelle à la mairie de Toulouse sont passés près d’une défaite aux dernières municipales contre Archipel Citoyen, un parti dont l’essence était de redonner le pouvoir aux habitants de Toulouse, de redonner vie à la démocratie municipale. Les initiatives allant dans ce sens sont nombreuses en France et ailleurs. Il s’en est fallu de peu pour que ce renouveau démocratique atteigne Toulouse. Il n’empêche, les gagnants sont des politiciens d’expérience, et ils font depuis ce que fait traditionnellement le pouvoir en politique politicienne : reprendre les concepts du camp d’en face, les vider de leur sens, leur enlever tout ce qui fait leur valeur, pour les déployer dans une version dévoyée et étriquée. Le but de la manœuvre est uniquement de l’affichage, de la com, donc cela suffit amplement. Cette méthode a fait ses preuves à de nombreuses reprises en termes d’efficacité électorale. Pour refaire vivre la démocratie on repassera.
Ce démocratie-washing (le terme utilisé en anglais est civic-washing) du groupe AimerToulouse se matérialise à Toulouse sous deux formes principales : la plateforme “Mes idées pour mon quartier” et les “Ateliers Citoyen”.
Mes idées pour mon quartier : proposez, nous décidons
Après d’autres, la mairie de Toulouse lance une boîte à idées virtuelle. Par virtuelle on veut dire électronique ou en ligne, pas que les idées restent au statut de chimère… ou peut-être que si en fait. L’ambition affichée est “un budget participatif […] augmenté à 8 millions d’euros par an” (Mediacités). Les habitants sont invités à proposer des idées, ainsi qu’à voter pour les projets qu’ils souhaitent soutenir. La démarche, mise en œuvre dans de nombreuses villes, même si relativement anecdotique, peut être intéressante à condition d’être bien conduite. Mais à Toulouse :
1️⃣ La plateforme intéresse peu.
Si on regarde les statistiques du site JeParticipe, on peut se poser des questions sur la popularité de la plateforme auprès des toulousains : au mieux quelques dizaines de votes pour les idées plébiscitées, pour une métropole de plusieurs centaines de milliers d’habitants. Autre problème, de façon assez commune dans ce genre de cas, on retrouve les mêmes personnes qui proposent la plupart des idées, le fameux TLM (Toujours Les Mêmes) dont parlent tous les praticiens de la démocratie locale ou participative. Ce biais dans la participation contrarie l’aspiration initiale de la démocratie participative : donner de la voix à ceux que l’on n’écoute pas assez, réduire les inégalités entre les habitants.
Une énième ironies de cette mairie qui n’hésite pas à mettre en avant cette procédure comme un exemple de démocratie pour des projets à 15 votes, tout en méprisant des consultations publiques (qui ont été faites via cette même plateforme JeParticipe) sous prétexte qu’elles n’ont pas rassemblé : cf. l’opposition à la jonction Est avec plus de 400 avis. Certains de ces avis étant des documents structurés et approfondis représentant des semaines de travail par des associations. Encore une fois, la mairie écoute ce qui l’arrange. Un classique de l’application désastreuse de la démocratie participative ces dernières années : le pouvoir en fait un alibi, n’écoute que ce qu’il a envie d’entendre.
2️⃣ La procédure n’a pas été respectée
Aucune transparence sur le processus de présélection (par la mairie) des idées proposées par les citoyens. Des projets ont été indûment écartés (Mediacités), il n’y a rien de plus facile que d’utiliser des arguments d’autorité tels que “Trop cher !” ou “Pas possible techniquement !” pour rejeter des projets a priori. Nous ne doutons pas que cela peut-être légitime dans beaucoups de cas. Mais de ce que nous en avons vu, c’est aussi souvent questionnable. Des projets ont été retenus alors qu’ils n’étaient pas prioritaires, certains quartiers ont été privilégiés (Mediacités). En somme, beaucoup de petits arrangements, quelques exemples donnés par Maxime Le Texier :
Ayant “la chance” d’avoir été tiré au sort pour participer aux Atelier Citoyens (voir la 2ème partie de cet article) Sébastien s’était permis de demander, lors de la toute première instance des Ateliers Citoyens, si la mairie pouvait mettre en ligne l’ensemble des idées proposées initialement avec pour chacune les raisons exactes du rejet. Une procédure de transparence de base pour ce genre d’initiative. On m’a répondu que c’était “une bonne idée, mais trop compliqué techniquement”. Évidemment… que c’est pratique parfois ces problèmes “techniques”.
3️⃣ Le budget est tordu, recyclé, réutilisé
“Le budget participatif est utilisé pour financer des opérations déjà planifiées dans la programmation pluriannuelle d’investissement” (Maxime Le Texier, Médiacités). Vendre deux fois la même chose, une entourloupe classique en politique politicienne : cela va des segments de pistes cyclables qui font déjà partie des plans du Réseau Express Vélo (REV), donc déjà budgétés par ailleurs, à l’installation d’une poubelle dans une avenue, d’un récup-verre là où il y en a besoin que l’on peut considérer comme relevant du budget de fonctionnement, et pas d’une budget participatif.
4️⃣ Un budget participatif par an parfois
La promesse de campagne portait sur une démarche annuelle. Dans les faits, le 2ème cycle de concertation vient tout juste de commencer 2 ans et demi donc après le début du mandat. On est donc assez loin d’un dispositif annuel. Une belle économie. Mais la mairie a trouvé une astuce encore plus maline : ne pas réaliser les idées sélectionnées lors du 1er cycle, pour pouvoir les re-proposer lors du 2ème ! Une nouvelle promesse loin d’être tenue.
5️⃣ Pas de suivi ni de retour aux participants
Comme le dit une des participantes dans l’article de Médiacités, la procédure “manque de transparence”, “les participants n’ont jamais de retour sur les idées qu’ils ont proposées”. Pourtant, on aurait pu imaginer que l’initiateur d’une idée était le/la mieux placé pour en faire le suivi, s’assurer que celle-ci reste pertinente au cours des modifications (légitimes) qui doivent lui être apportées. Mais cela c’est si on veut bien faire, si on veut redonner le pouvoir aux habitants et faire confiance à leur intelligence et à leur connaissance de leur lieu de vie. Ce n’est manifestement pas le but de la mairie de Toulouse ici.
Résumons :
😡 peu d’engouement de la part de Toulousains
😡 non respect de la participation citoyenne et du cadre de la participation
😡 budget participatif utilisé pour financer des opérations déjà programmées
😡 deux fois par mandat ≠ une fois par an
😡 pas de suivi ni de retour aux citoyens qui se sont engagés
➡️ De quoi écoeurer ceux qui se sont engagés dans la démarche. On aurait voulu dévoyer la participation citoyenne de son sens, on n’aurait pas fait différemment.